A mon retour d’un petit séjour dans la capitale italienne en compagnie de mon épouse (sans mon vélo), j’ai décidé de confirmer ma participation au REV. Un pari sans doute un peu fou après trois grosses épreuves en 40 jours (RPE, BRM400, XXalps) , mais un challenge exaltant ( 604 km – 25 cols – 12000m de dénivelé – catégorie sans assistance).
Miguel Brichant, un autre adepte des longues distances, m’a gentiment proposé d’effectuer le déplacement vers Luxeuil en sa compagnie.
Les participants sont logés à l’Abbaye Saint Colomban à Luxeuil qui sera, durant tout le week-end, le centre névralgique du REV.
Le vendredi soir, briefing sous la houlette de Jean Claude Arens, l’organisateur du REV (Règle du no drafting pour tous les concurrents, 10 points de ravitaillement et de contrôle). Jean Claude nous apprend le retrait de la 3ème ascension du ballon d’Alsace, côté Sewen, pour cause de course de côte automobile.
Le samedi à 9h, c’est sous un ciel gris que les concurrents sans assistance prennent le départ, les ultras (avec assistance) suivront une heure plus tard.
Après 38km, au sommet du col du Mont des Fourches, les participants sont déjà dispersés. Alors que je connais très bien le parcours, j’hésite, je consulte mon road book, je saute une ligne, je plonge vers le Thillot. Cela sera ma seule petite erreur de parcours avec comme résultat 4 km d’ascension supplémentaire pour atteindre le col des Croix, un quart d’heure de perdu. Ce petit incident ne trouble pas ma quiétude, mon objectif n’étant pas de m’approprier le record du REV. Dès le départ, je privilégie l’emploi de petits braquets, couplé à une cadence de pédalage assez élevée. Après 150km, la majeure partie des ultras m’a dépassé. Plus ou moins 8h après le départ, je maintiens sans problème ma cadence, et je constate que je fais jeu égal avec des concurrents qui m’avaient repris une heure en début d’épreuve.
J’avais fait déposer, au sommet du Markstein après +/- 240 km, par l’organisation, un sac à dos contenant des vêtements chauds pour la nuit ainsi que du ravito. C’était risqué, car je savais que le contrôle fermait à 21h. J’ai donc décidé de calquer ma progression sur cet objectif et il est 20h15 lorsque je récupère mon sac.
A ce moment, passage en configuration nuit, direction la Bresse par la route des crêtes et des américains. A 500m du sommet du col de Grosse Pierre, je rencontre une déviation obligatoire pour cause de course motocycliste nocturne. Seul le vainqueur Remi Coquard a réussi à passer. Cet incident nous impose un détour d’une dizaine de km pour rejoindre le parcours prévu et le passage par un col non répertorié au programme le col des Feignes. Ces petits contretemps font partie de l’aventure. Lorsque j’entame la descente vers Xonrupt Longemer, je constate que mon éclairage est insuffisant (mauvaise orientation, piles ne faisant pas toujours contact ???). et comme on dit dans le jargon, je descends donc à la bougie. Ne prenant aucun risque, je vais perdre beaucoup de temps dans les descentes nocturnes.
Vers 23h, je téléphone à mon épouse, pour la rassurer. La nuit, on côtoie fréquemment le gibier, par trois fois, j’éviterai la chute ( 2 renards et une biche). Dans les fourrés, on perçoit la présence des sangliers. Le silence nocturne est aussi rompu par le cliquetis des cloches des vaches.
Depuis plusieurs heures, je roule dans les parages de 2 ultras : Aloyse Lenninger et Emmanuel Conraux ( vainqueur de plusieurs ultra triathlons, voir ci-après en renvoi(1)). Tantôt quelques minutes devant, tantôt quelques minutes derrière. Ils roulent plus vite que moi, mais leurs arrêts sur le parcours étant plus longs, ça engendre un statu quo. Il en sera ainsi jusqu’à l’arrivée.
Après le contrôle au sommet du col du Calvaire s’annonce la partie la plus délicate du parcours avec l’enchaînement de plusieurs cols difficiles. Je commence à avoir des difficultés pour m’alimenter et pour boire, ce qui est inévitable dans ce type d’épreuve.
Sur la route des crêtes, j’entends des cris dans la nuit. Emmanuel en est l’auteur. Il tente de se motiver pour lutter contre le sommeil. Il devra s’arrêter dans le Collet du Linge, pour dormir quelques minutes. Pour ma part, je continue ma progression à mon rythme, tout en souplesse. A un kilomètre du sommet du très difficile Petit Ballon, je crois apercevoir une caravane au milieu de la route. J’ai été victime d’une micro hallucination dû au manque de sommeil. Ce phénomène peut se présenter, lorsqu’on pratique l’ultra endurance.
Durant cette ascension, j’ai une pensée pour Miguel qui doit éprouver des difficultés à tirer son braquet (42x25 comme plus petit braquet). Arrêt éclair au contrôle au sommet, pour ne pas refroidir. Il est 5h, le jour se lève, je peux effectuer la descente à une allure normale.
Au pied du Platzerwasel, je m’arrête. Je me force à manger et à boire afin d’aborder le dernier tiers du parcours dans les meilleures conditions possibles. Le soleil me fait oublier la difficulté de ce col et l’envie de boire revient automatiquement en même temps que les premiers rayons.
Dans la descente vers Wattviller, je rencontre plusieurs concurrents qui remontent vers le col d’ Amic, ce qui m’indique que je suis proche de plusieurs d’entre eux malgré mon éclairage insuffisant.
A proximité de Vieil Armand, je croise Miguel qui conserve un gros moral après avoir souffert dans le Petit Ballon et dans Platzerwasel.
Dans l’ascension du Hündsruck, Emmanuel qui a très bien récupéré me dépasse à nouveau. Son assistance prendra en charge mon sac à dos, m’allégeant grandement pour la fin de parcours. Dans la descente du col, je commence à ressentir des douleurs dans les bras, par contre les jambes tournent toujours aussi régulièrement. La route est vallonnée jusqu’à Plancher les Mines, lieu du dernier contrôle, où je rejoints mes 2 compagnons. Dans la vallée de Saint Antoine, je suis de nouveau dépassé par Aloyse et Emmanuel. Pour la deuxième fois durant ce raid, l’épouse d’Aloyse me rapporte un de mes bidons que j’avais encore oublié au point de contrôle. En face, le Ballon de Servance, mon compteur indique 540km. Cette difficulté que je connais par cœur marquera l’esprit de beaucoup de participants. Pour ma part, j’effectue presque l’intégralité de l’ascension en danseuse sur mon mini braquet de 30X29. La descente sautillante a en plus fortement souffert de la canicule, ce qui la rend très dangereuse. Je change fréquemment de position pour soulager la douleur qui me tenaille les bras.
Comme pour le RPE, je constate que je peux accélérer en fin de parcours et je ne m’en prive pas. La chaleur règne dans la vallée, Aloyse et Emmanuel se sont arrêtés pour se rafraîchir.
Pour ma part, depuis mon TDF, je maîtrise de mieux en mieux la canicule. Je pointerai à l’Abbaye de Saint Colomban quelques minutes avant mes 2 compères et une vingtaine de minutes derrière Jean Marc Velez ( premier français à avoir terminé la RAAM dans les délais) qui m’a avoué avoir souffert sur ce REV par manque de longue distance.
L’ancien de la bande a bouclé le parcours d’un peu plus de 600km en 31h20 minutes en ayant toujours la totale maîtrise de sa progression et surtout en prenant un énorme plaisir.
Félicitations à Miguel qui a bouclé son REV en 33h45. Chapeau aussi à Sophie Matter, une référence sur les longues distances qui termine l’épreuve en 34h30, quinze jours après avoir roulé un 1200km aux Etats-Unis. Remi, le vainqueur qui termine en 24h12 est un sportif étonnant, qui sans assistance, s’est payé le luxe de devancer les ultras. Rémi fait aussi régulièrement des podiums en duathlon et sur des trails.
Le repas de clôture m’a permis de mieux connaître ce petit monde de l’ultra où je me sens de plus en plus à l’aise et de nouer des contacts avec ces sportifs spécialistes de l’endurance qui pratiquent souvent aussi d’autres sports comme le trail sur des distances incroyables.
Alex.
(1) Emmanuel -39ans a été plusieurs fois champion du monde :
- 2X de double ironman
- 2X de triple ironman
- 1X de quintuple ironman + record du monde en 73h18min16sec
- 1X fois en déca ironman soit 38km de natation, 1800km de vélo et 420km de course à pied.
- + d’autres records en course à pied
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